accueil - Actualités - Un atelier d’écriture à Epernay pour jeter ses (...)

Un atelier d’écriture à Epernay pour jeter ses souffrances

Créé il y a onze ans, l’atelier d’écriture permet à des patients souffrant de troubles psychiques de jeter leurs maux sur le papier. Cette année, ces « écrivains en herbe » n’ont pas écrit de nouvelles mais un superbe recueil de poèmes qui vient d’être édité à 50 exemplaires.

« Un endroit de liberté où la vie reprend peu à peu ses droits d’égalité ». C’est par ces mots que Sylvie Arnould, infirmière au centre médico-psychologique (CMP) d’Épernay, a présenté la 11e édition de l’ouvrage Jetez l’encre ! produit lors de l’atelier de création poétique. Un recueil de poèmes écrit par huit patients souffrant de troubles psychiques. Les textes parlent d’amour, de chagrins et de séparations, de rencontres et de joies insensées, de voyages et d’enfants. Une sélection a été mise en voix par deux comédiens de la compagnie du Diable à 4 pattes, Raphaël Dubois et Élodie Cotin, le mardi 27 novembre 2018 à la Maison des arts et de la vie associative d’Épernay.
Mis en place en 2008, cet atelier de création poétique s’inscrit dans le cadre du dispositif « culture et santé » porté par l’agence régionale de santé Grand Est.
Depuis l’automne dernier et jusqu’au début de l’été, tous les lundis pendant 2 h 30, ces « auteurs-réalisateurs de petits textes » se sont réunis autour de l’écrivain rémois Bernard Weber, d’une psychologue et d’une infirmière du Centre d’accueil thérapeutique à temps partiel (CATTP) d’Épernay. « Au départ, je donne un thème ou une contrainte, puis je lance la phase d’écriture. À la fin, chacun lit son texte, explique Bernard Weber qui coanime cet atelier. Je ramasse les copies, je corrige les fautes de syntaxe éventuelles et je me permets parfois de faire des suggestions comme des rimes plus adéquates par exemple auprès de l’auteur qui valide ou non. La démarche est assez codifiée. »

Faire naître quelque talent

Les patients souffrant de troubles psychiques peuvent ainsi coucher leurs maux sur le papier. « Cet atelier dit thérapeutique s’inscrit dans les soins proposés et prescrits au CMP. Il permet aux participants de prendre de la distance par rapport à des souffrances définies ou moins évidentes, de faire naître quelque talent qui les amène à réfléchir sur leur passé, leur devenir. Parfois en émergent des solutions intérieures insoupçonnables qui seraient restées au plus profond, sans cette quête de suites de mots  », constate Sylvie Arnould.

« J’extériorise tout ce qui est en moi  », assure Carole qui vient depuis deux ans. Nathalie suit cet atelier depuis six ans et a vu un changement s’opérer en elle. « Cela m’a permis de sortir de chez moi, de m’intégrer à un groupe ce dont je n’étais plus capable, de recréer des liens sociaux et de me faire des amis au passage, confie-t-elle. Cela m’a permis aussi de pouvoir exprimer ce que l’on n’ose pas dire à l’oral. En publiant un ouvrage, on se dit que forcément on va être lu par quelqu’un et entendu. L’écriture, c’est une thérapie. » Un avis partagé par Thomas. « J’aime le partage. Écrire pour soi, c’est lettre morte. Il n’y a de véritable écrit que ce qui est lu ! » Cet « écrivain en herbe », qui participe à l’atelier depuis trois ans, apprécie particulièrement d’être entouré par un écrivain professionnel. « Bernard Weber nous aiguille, nous corrige lorsque l’on fait des erreurs, nous conseille », déclare-t-il. Ces séances d’écriture l’incitent par ailleurs à se déplacer. « Comme je suis très casanier, l’atelier me sort de ma zone de confort et me permet de m’extérioriser. C’est une bouffée d’air à chaque fois ! »

Depuis onze ans qu’il coanime cet atelier dit thérapeutique, Bernard Weber a vu des participants s’épanouir à travers l’écriture. « Sur le temps, l’on aperçoit une évolution énorme, une libération dans la tête, quelque chose se déverrouille, observe l’écrivain. Il y a une libération de la parole écrite. »
En 2019, certains de ces poèmes devraient être mis en chansons avec des musiciens. À suivre.